Vacances apprenantes ?
À la sortie du confinement généralisé, le gouvernement a lancé un nouveau dispositif : « colo apprenante », « accueils de loisirs studieux ». Un dispositif intéressant pour un secteur qui a souffert de 2 mois et 1/2 de fermeture ; en particulier pour les centres de vacances qui vivent peu des subventions et ont dû annuler toutes les classes transplantées et séjours du printemps. Effectivement le secteur associatif, moins dépendant des subventions, a besoin d’un réel plan de relance. Plan de relance aisé à construire pour le Ministère, nous sommes une modification d’un fléchage analytique interne car quoique l’on puisse dire : les séjours SNU n’ont pas lieu et n’auront pas lieu en 2020 avec 30000 jeunes qui devaient être en internat pendant 10 jours : faites le calcul ! Souhaitons que ces dispositifs soient maintenus en 2021 pour peut-être se pérenniser.
Dispositif intéressant ne veut pas dire concept intéressant. Or on le sait : il y a risque dans l’usage des mots. Les mots sont et dans le temps deviennent idées, concepts. Or le concept de vacances apprenantes est à interroger. Car au-delà des mots ce qui est posé c’est le rapport entre les vacances et l’école.
Il est donc nécessaire pour clarifier ce que l’on entend par ces différents accueils :
- École : c’est un établissement dans lequel est donné un enseignement collectif. On parle d’enseignement : transmission de connaissances, transformations intellectuelles dans le cadre d’une institution éducative et d’un programme pré-définit. Le concept d’éducation est beaucoup plus large et concerne l’ensemble des accueils dont on parle ici. L’éducation est l’ensemble des procédés somme par lesquels, dans toute société, les adultes tentent d’inculquer aux plus jeunes leurs principes, les habitudes, les interdits… L’éducation est un donc une idée plus large que l’enseignement. Elle est politique, car elle amène les principes de la société. La pédagogie étant l’art, la manière d’organiser l’éducation et l’enseignement et concerne donc aussi l’ensemble des structures. C’est ainsi par exemple qu’aux CEMEA nous pensons que l’école, mais aussi l’ensemble des structures éducatives, doivent défendre l’idée de la démocratie (inculquer nos principes) et en la faisant vivre des concrètement dans l’école, la classe, l’accueil de loisirs... car c’est un de nos principes pédagogiques : on apprend d’autant mieux que l’on vit concrètement les choses.
- Accueil méridien : c’est le temps du midi avec une revendication des associations laïques dès le 19e siècle pour une cantine scolaire gratuite. Il a une fonction importante dans le rythme : on se pose, on mange. Pour autant il est éducatif. Le repas est un acte éducatif ! Le repas n’est pas qu’une nécessité. C’est un acte éducatif : de santé (qualité de ce que l’on mange, équilibre alimentaire, durée du repas…), d’éveil (découverte de nouveaux aliments, plats…), de socialisation (on mange à table avec des copains et copines)...
- Accueil périscolaire : ce sont les temps collectifs autour de l’école (avant et après l’école) Il a (comme d’autre type d’accueil) une fonction de garde pour les familles. C’est un temps éducatif qui a une fonction importante sur le rythme de l’enfant : le matin je peux être fatigué, en cours de réveil et l’après midi je sors d’une journée d’école. Pour autant je vis des activités qui sont de fait éducatives. Pour exemple jouer aux marionnettes est éducatif : je raconte des histoires, j’invente des histoires, je mémorise, je joue dans une forme d’expression spontanée avec la marionnette de l’autre et donc je mets en jeu l’intelligence, la sensibilité ; j’exerce la pensée, la mémoire ; je donne du champ à l’imaginaire. Je construis la marionnette et on sait que l’activité manuelle est éducative. Activité souvent dénigrée car réservée aux esclaves, aux ouvrier-es alors que la bourgeoisie, l’aristocratie se réservaient les activités intellectuelles. L’activité manuelle met en jeu le cerveau (imaginer l’objet, réfléchir les besoins techniques pour construire l’objet…) et manuelle (faire avec les mains) Francine Best disait : « L’activité est la succession d’actions… qui est fondée sur un besoin, qui répond à un intérêt, qui est déclenchée par un désir, qui fait l’objet d’un projet ouvert, qui se déroule par opérations fonctionnelles, qui constitue une expérience personnelle, qui donne lieu à une réflexion, qui permet d’atteindre un ou plusieurs objectifs : expressions, découvertes, acquisitions, communication. »
- Vacances – séjours de vacances (ACM) On intervient pendant le temps de vacances. Les vacances : une période d’arrêt légal du travail. Nous sommes donc dans une logique de rupture, de rupture avec le quotidien. C’est en ce sens que nous faisons largement remarquer qu’il n’est pas question de refaire l’école après l’école. La rupture c’est aspirer à changer de rythme, prendre le temps de se dépayser, de découvrir, de faire ce que l’on n’a pas l’habitude de faire. L’accueil de loisirs pendant la période de vacance ne doit pas refaire ce que l’on fait pendant l’accueil périscolaire. Bien évidemment on peut faire une activité – écrire une histoire par exemple – à l’école, à l’accueil périscolaire comme aux centres de vacances. Alors qu’est ce qui change ? Plusieurs éléments. Dans le cadre des vacances l’activité n’est pas obligatoire, elle n’entre pas dans un programme d’apprentissage, elle ne fera pas l’objet d’une évaluation cognitive (vérifier l’apprentissage) Un centre de vacance (ou une « colo ») qui fait classe le matin (avec du français et des mathématiques) n’est pas un centre de vacances. Cela ne veut pas dire que c’est inintéressant et inutile. Cela ne veut pas dire que cela peut être nécessaire. Mais cela s’appelle une école buissonnière. Il est important d’être clair avec les définitions et les concepts au risque de rajouter de la confusion. Et quand dans certains films on entend « Oui mais c’est mieux que l’école, on apprend mais c’est plus ludique » on renforce là encore la confusion. Ce propos est certainement vrai, mais il n’interroge pas le type de structure éducative collective mais la pédagogie proposée. Car bien évidemment des démarches actives, des démarches avec dû faire, de l’expérimentation, du tâtonnement, de l’espace de parole… est aussi possible à l’école.
- Oui tout accueil de loisirs, centre de vacances est éducatif. Mais la colo apprenante (avec des cours formalisés le matin par exemple) s’apparente à une école ouverte ou une école buissonnière. Et ce sont deux dispositifs très intéressants. Mais qui se distingue des vacances. Pourquoi les distinguer ? Car l’adulte, l’enfant a besoin de vacances, d’une réelle rupture avec son quotidien (d’où le besoin de sortir de son territoire de vie) Et aux CEMEA nous l’avons toujours dit : oui le contexte actuel est singulier (avec parfois une absence complète ou partielle de l’école pendant 10, 16 semaines sur le printemps 2020) et oui il peut être intéressant pour nombre d’enfants d’avoir du temps scolaires sur l’été. C’est pour cette raison que l’on a pris une position favorable sur les écoles ouvertes ou buissonnières à partir du 17 août (pour garder malgré tout 5 semaines de vacances) Et que l’école buissonnière soit appelée colo apprenante car plus simple en termes de dispositif, ce n’est pas dramatique. C’est dommage mais pas dramatique surtout si l’on reste clair sur les idées, les concepts et les besoins de l’enfant. L’école ouverte c’est l’école hors du temps scolaire (calendrier) avec un temps scolaire dans la journée (souvent le matin) L’école ouverte se déroule dans l’école contrairement à l’école buissonnière qui se fait hors de l’école et souvent en internat. La « colo apprenante » ne peut donc pas être une école buissonnière si un temps d’école est institué de manière régulière. Et la « colo apprenante » c’est un centre de vacances, une colo ordinaire comme il existe depuis plus de 150 ans.
- Sorties scolaires : c’est l’école. C’est l’école en dehors de l’école (dans le sens bâtiment) Il en est de même pour les classes transplantées (souvent appelé classe mer, classe montagne, vert, campagne, ville) avec dans ce cas des nuitées, un accueil en pension.
Il nous semble important, si l’on souhaite défendre l’éducation, la complémentarité des temps éducatifs de clarifier les mots et le sens des mots. De même un enseignant-e peut être animateur/trice sur un centre de vacances par exemple et il/elle reste enseignant-e sur une école ouverte. On peut d’ailleurs regretter la période d’avant 1985 où les enseignant-es devaient faire un BAFA Base et BAFA pratique au cours de leur formation (école normale) Cela permettait aux enseignant-es de comprendre, de s’approprier la spécificité et la complémentarité des espaces et temps éducatifs.
Régis Balry – CEMEA Pays de la Loire