Quelle place pour l’éducation populaire dans notre société ?
Le « dialogue de sourds » de Poitiers entre des jeunes rassemblé-es par la Fédération des centres sociaux (FCSF) et la secrétaire d’État à la Jeunesse, nantaise en l’occurrence a fait coulé beaucoup d’encres et plusieurs tribunes.
Le débat se situait sur la laïcité. Et les jeunes ont finalement posé des questions assez classiques et avec une certaine logique :
- Ils/elles ont interrogé les contours de la laïcité en pointant des éléments qui leur semblaient incohérents : « Pourquoi sont-ils autorisés à porter des signes religieux dans un centre social ou un lycée privé, mais pas dans un établissement public ? »
- Ils/elles ont fait remonter des éléments concernant les discriminations qu’ils vivent (couleur de peau, genre…)
Sur ces retours assez classiques (dans le sens vrais) Sarah El Haïry a sur-réagit en déroulant une forme de catéchisme républicain : dans le déni des constats posés et en finissant par chanter (non prévu) la Marseillaise devant des jeunes qui ne comprennent et ne suivent pas.
Cette situation en soit est anecdotique. Mais elle met en exergue une situation plus complexe : la vision de certain-es politiques de l’associatif et de l’éducation populaire. L’éducation populaire ne peut pas être la courroie de transmission, ne peut pas être au service exclusif d’une collectivité ou de l’État. Elle ne peut pas non plus automatiquement se placer dans une position de contre-pouvoir face au politique. Ce n’est pas la fonction d’un centre social, d’un espace jeunesse par exemple. Mais elle se doit de garder une autonomie. La relation est complexe et n’est pas l’image produite à Poitiers :
- l’action de l’éducation populaire relève de l’utilisé sociale, de l’utilité publique
- l’État et les collectivités doivent soutenir l’éducation populaire
- il peut, il doit y avoir du partenariat qui peuvent se concrétiser par des conventions
Pour autant l’association doit garder son autonomie. Elle doit pouvoir interroger les politiques publiques. Elle doit permettre aux jeunes et moins jeunes d’échanger, de réfléchir et de se construire librement des pensées qu’elles plaisent ou non. L’éducation populaire tout comme l’éducation nationale ne peuvent pas être l’outil d’instrumentalisation d’un pouvoir.
En lien avec cette actualité deux tribunes ont été publiées.
Une première tribune « L’éducation populaire et l’urgence du combat démocratique »
Les CEMEA Pays de la Loire ont voulu la signer. Dans un premier temps pour une question de posture de solidarité, une posture éthique nécessaire ! Certes le texte est imparfait et ne traite pas de la question de la laïcité. Pour autant il pose un enjeu fondamental : celui de la liberté de conscience, celui de l’éducation qui doit permettre la construction de cette liberté de pensée, de conscience.
« Notre combat démocratique repose sur une vision de la citoyenneté qui ne relève pas de la seule instruction civique, mais se nourrit aussi de l’expression libre, de l’écoute, de la compréhension des désaccords, et de l’appropriation du cadre commun qui régule la vie en société. Le débat produit du commun, à partir des différences, et développe l’esprit critique par le dépassement des opinions particulières et la compréhension des enjeux plus globaux et des interdépendances. C’est un rempart au repli sur soi, au rejet, à la haine et à la violence. »
Une deuxième tribune « Parce qu’ils sont profondément attachés à la laïcité les mouvements d’éducation populaire ne veulent pas l’enseigner comme un catéchisme »
Ce texte est aussi imparfait. Il parle de « notre République » alors que l’on sait cette 5e République critiquée par le passé et aujourd’hui. Une république très centralisatrice qui ne reconnaît pas ou trop peu la démocratie représentative et encore moins la démocratie directe. Les CEMEA Pays de la Loire pensent que la démocratie doit être la construction complexe et associant à la fois la démocratie représentative, associative et directe.
Mais ce texte repositionne la laïcité dans le contexte et les débats actuels :
« Associés à toutes les luttes fondatrices pour nos libertés et pour une société plus solidaire, ces mouvements d’éducation populaire savent à quel point la laïcité est précieuse pour la société française. C’est elle qui garantit la liberté de culte ; c’est elle qui assure la nécessaire séparation entre les espaces privés et les institutions publiques ; c’est elle qui contribue à promouvoir l’égalité effective entre les hommes et les femmes ; c’est elle qui permet, enfin, que les religions ne viennent pas compromettre l’élaboration ou mettre à mal les lois élaborées légitimement par les humains dans le cadre de débats démocratiques. »