Petit tour du côté des Coopératives Jeunesse de Territoire
CJT Nantes
5e promotion de la Coopérative Jeunesse de Territoire de Nantes Sud, portée par les Céméa des Pays de la Loire, et soutenue par la Ville de Nantes, La CAF 44 et l’État dans le cadre de la politique de la Ville.
14 jeunes (10 garçons et 4 filles ; 10 mineur.es et 4 majeur.es) au final se sont donné rendez-vous pendant cet été 2022 pour vivre un temps coopératif qu’il a été parfois difficile à appréhender. « Nous on est là pour la moula (argent) » disaient-ils/elles avec de grands rire, et avec beaucoup de sérieux.
Car la plupart de ces jeunes sont issus de nos quartiers prioritaires et/ou fragiles de Nantes Sud et Centre Sud et vivent la précarité à plusieurs niveaux dont celui financier. L’argent, comme levier et ascenseur, est ici à prendre au premier degré. Il fut pour beaucoup le principal moteur de « l’engagement » (cette notion n’est pas celle utilisée par ces jeunes). Au bout de deux mois, les motivations ont évolué...
Ce bilan de l’été 2022, soit celui de la mise en place de cette 5e promo et ses premières expériences, est un moment pour nous de dresser quelques éléments quantitatifs mais aussi de nous focaliser sur des points qualitatifs, qui seront à la fois des constats, mais aussi des interrogations et des pistes de travail collectif à se saisir toutes et tous ensemble pour envisager le mieux pour et avec ces jeunes.
Le chiffre d’affaire (montant des chantiers) a été de 7220 euros pour 361 heures de travail avec 5 structures : 2 collectivités (Nantes avec la Direction Vie Associative et Jeunesse et la Direction de l’Éducation ; Nantes métropole avec le service Propreté Urbaine) et 3 associations (L’Acavale, Paq la Lune et nous-même :les Ceméa) Les collectivités représentent 85 % des chantiers.
Dans un bilan, il est fréquent de mettre en exergue ce qui ne fonctionne pas. Ici, nous ne pouvons que nous féliciter des implications de la Direction Vie Associative et Jeunesse de la ville de Nantes - au travers sa coordination jeunesse - et de l’accueil réservé aux jeunes par le Service Propreté de Nantes Métropole et de ses centres techniques ou des écoles du Clos Torreau/Pirmil (voir photos ci-dessous). Les jeunes ont été particulièrement touchés. La fidélité de l’Acavale et de Paq La Lune témoigne de leurs intérêts également.
Exemples de mission
• Mission Propreté : identifier et ramener les cadis perdus dans l’espace public (Ile de Nantes)
« Nous vous remercions pour votre aide très utile », c’est ainsi que le responsable du centre technique de l’île de Nantes s’est exprimé devant le groupe de jeunes missionnés. Il leur a précieusement conseillé de mettre en avant leurs actions dans leurs cv pour que l’été prochain ils puissent revenir en job d’été.
• Mission déplacement de mobilier pour la rénovation de l’école Ledru-Rollin/Sarah Bernhardt.
Une mission qui débute à 7h du matin pour Chaima, Bamba, Aminata et Marshall, nouveau nantais.Tout le monde est à l’heure. De la sueur, des sourires et de la fierté.
BILAN QUALITATIF
• La constituions du groupe
La CJT s’est appuyée principalement et dans un cadre opérationnel sur les structures locales:l‘équipe 16-25 ans ACCOORD/CEMEA, l’ADPS et la Ville de Nantes.
Les jeunes présents durant les première réunions d’information collectives sont venus principalement par bouche à oreille ou conseillés par les prescripteurs précédemment cités.
Des réunions d’abord organisées et planifiées le samedi après-midi depuis début juin (3 à 4 participants) puis, et ce dès le 15 juin, des réunions au gré des demandes de renseignements/intérêts des jeunes ou des structures partenaires.
• « Coopérative ? » Ça veut dire coopérer ?
Aucun des jeunes présents ne connaissaient ce modèle d’organisation collective. « Au départ, vous nous avez parlé d’autonomie et que la coopérative c’était nous. Et qu’il n’y aurait pas de chef. Je me suis dit, mais si nous sommes complètement autonome, est-ce que nous allons être à la hauteur ? Vais- je être à la hauteur ? ». Ce témoignage de Marshall, 18 ans, interroge notre discours de présentation de la CJT. Baigné dans le jargon de l’Education populaire, pourrions-nous faire peur et rendre inaccessible par notre vocable l’intégration de jeunes plus fragiles ? Nous le mettons au travail.
Pour exemple lors d‘une réunion, les 14 jeunes ont défini l’organisation type souhaitée de la coopérative. Un travail collectif qui a posé la question très débattue du comment répartir les missions entre eux. Principe d’égalité versus équité... Une question qui fait encore parler...
L’organisation de la coopérative a aussi fait l’objet de nombreux échanges. Le premier point abordé a été celui de la communication au sein du groupe. Un réseau (média) social a été choisi, tester pour mesurer si cet outil était pertinent. Près de 900 messages sur un réseau administré par deux de ces jeunes et nommé Les épices. Cet outil est jugé efficace pour s’avertir des absences ou demander une précision. Pour les animateurs, cela a posé de nombreuses questions, notamment celle de la régulation d’un espace dit ouvert et auto-organisé par les jeunes, et qui pouvait être l’espace aussi de querelles.. Quelle place pour l ‘animateur ? Quelle médiation à distance (méthode, posture). Un espace chronophage pour les accompagnants.
Un espace pour communiquer et prendre des décisions, parfois sans concertation avec les autres jeunes. Les accompagnateurs ont confirmé alors que l’espace décisionnel était l’espace collectif de la réunion en présentiel où chacun devait être présent obligatoirement. Cet espace (réseau social) a permis de déminer de nombreux petits conflits notamment liés à la répartition des missions. Cet espace est jugé utile mais contraignant pour ces jeunes. Pour les animateurs ; c’est une nécessité qui permet de préserver le collectif.
La répartition des missions. Ce fut le sujet le plus épineux et le plus délicat à gérer pour les accompagnateurs. Dû fait d’absence de jeunes, de désistement ou de vacances soudaines et non prévues, le planning et la répartition ont sans cesse été modifiés. Et avec pour conséquences quelques conflits qui ont été résolu au travers l’instance Réunion.
Cette répartition des missions et donc des heures a été chronophage pour les accompagnateurs. Les outils (tableurs et autre) sont à repenser pour automatiser des tâches répétitives. Ce qui a fait dire à certains que les accompagnateurs devraient eux-même directement distribuer les missions, posant ce constat partagé : « nous avons mal géré la répartition des missions ». Ce qui témoigne aussi de la part de ce groupe un sens de responsabilité certaine. Et en contradiction, ils ont aimé ne pas avoir de chef, « c’est le plus de la coopérative ».
« Je croyais que nous allions regarder ce que les autres faisaient, comme lors de mon stage de troisième. Pas du tout, on a fait. J’ai été là, à l’heure ».
Abdou, 17 ans
« Je suis fier. J’étais présent dans les réunions. La difficulté c’était les heures un peu incertaine des missions. Je venais d’emménager alors… je ne connaissait pas Nantes. Le groupe m’a aidé à la découvrir. Et les missions de la cJT m’ont fait découvrir d’autres lieux que je ne connaissais pas. Quand j’avais un soucis de toute façon, j’appelai par WhatsApp et on m’aidait ».
Marshall, 18 ans
« Cela m’a apporté du savoir être. Comment se comporter, connaître les normes de politesse au travail… »
Dennan, 17 ans
« Je me suis senti fier c’est le jour de ma première mission. Là je me suis dit c’est là où commence le monde du travail... »
Ikram, 16 ans
« La Cjt c’est aussi de l’humain, c’est se faire de nouveaux potes ».
Des jeunes de la CJT
CJT St Nazaire
Pour cette deuxième année, la Coopérative a rassemblé huit jeunes pour des missions variées : construction d’une bibliothèque roulante en bois, aide au déménagement des volontaires internationaux, distribution de flyers pour l’Atelier Mobile et surtout, travaux au sein du Poulpe !
Mais aussi des temps conviviaux et de loisirs tel que de la cuisine pour partager un repas toustes ensemble, la décoration de la bibliothèque roulante...
La CJT se terminant après l’écriture de cet article, d’autres évènements sont prévus pour la Coopérative ! Notamment une clôture officielle et le dernier chantier de la Coopérative ! Celui-ci se déroulera sur la base de loisirs des CEMEA « Au bois de Cossé » pour le démontage de plusieurs marabouts. L’occasion de passer une nuitée sur place et des temps conviviaux ensembles, jeux de société, baignade…
Merci aux militant.e.s qui ont accompagné les jeunes cet été : Ludo, Fred, Elina…
La problématique majeure de la CJT est celle de sa pérennité. Celle des chantiers : aujourd’hui 90 % des chantiers viennent des CEMEA. Ce n’est pas un objectif en soit et surtout nous n’aurons pas tous les étés autant de chantiers. Bien évidemment le service Jeunesse de la Ville de St-Nazaire est convaincu du sens et de l’intérêt de ce projet. Mais comme dans toutes les collectivités il faut convaincre les autres services du sens de ce projet.