Comment sortir des attitudes sexistes lors d’activités physiques et sportives en accueil collectif de mineurs ? Charline, responsable de formation en animation professionnelle donne des repères et propose des jeux dans lesquels filles et garçons trouvent leur place.
As-tu des exemples de situations, où tu as repéré des attitudes sexistes ? Comment l’animateur ou l’animatrice peut être conscient·e des attitudes sexistes lors d’une activité physique ? Et comment réagir ?
En fait, les attitudes sexistes viennent quand on demande aux joueurs et aux joueuses une certaine compétence physique (lancer une balle, la rattraper, courir vite, etc.). Certaines personnes font parfois des remarques sur la force des filles. Quand on observe des réflexions sexistes, l’animateur ou l’animatrice peut renvoyer l’enfant ou le jeune à des questionnements pour le faire réfléchir sur ses croyances et l’inciter à ne pas faire de généralité : « Pourquoi tu as dit que les filles sont moins fortes ? d’où vient cette idée ? Est-ce que c’est toi qui l’as observé ? ». A ce propos, il y a un chapitre dans l’ouvrage Guide de survie en milieu sexiste, Tome 2. Il reprend les mythes sexistes, notamment celui sur les différences biologiques entre filles et garçons. Le livre revient sur les études scientifiques réalisées au cours de l’histoire et permet d’apporter des arguments pour nuancer certaines croyances : oui il y a des femmes plus grandes, que certains garçons, oui les femmes peuvent être plus endurantes que les hommes... A noter aussi qu’avant l’adolescence, il n’y a pas de différence physique entre les filles et les garçons.
Néanmoins, on peut noter une différence de compétence physique, comme la motricité, liée à l’éducation de l’enfant. Si un enfant bouge peu, il sera alors moins à l’aise en grimpe qu’un enfant qui passe son temps dehors. Et justement, des études ont montré que les garçons sont plus incités à aller dehors, courir, grimper, prendre des risques que des filles [1].
J’invite également les animateurs et animatrices à prendre connaissance du Rapport annuel 2024 sur l’état des lieux du sexisme en France par le haut conseil à l’égalité des femmes et des hommes. Il démontre que les racines du sexisme sont ancrées dans l’éducation notamment dans les 3 sphères suivantes ; famille/école et numérique.
Observes-tu des inégalités de genres véhiculées par l’équipe d’animation ou générées par l’activité elle-même ?
Les enfants reproduisent les attitudes des adultes. Donc si un animateur organise un jeu sportif et une animatrice une activité manuelle, il y a de fortes chances pour que les filles suivent l’animatrice et les garçons l’animateur. Il faut donc faire attention au sein de l’équipe : qui organise quelle activité ?
Si on observe que les filles aiment moins courir que les garçons, on peut proposer des activités physiques qui demandent d’autres compétences que la rapidité.
Par exemple, proposer une activité autour du foot en non-mixité peut être parfois plus intéressant : les filles qui jouent peu au foot se sentiront moins exclues et plus valorisées lors de cette séance. Il y aura probablement moins de moquerie et de chamaillerie.
Par ailleurs, quand l’animateur ou l’animatrice propose à un groupe d’enfants ou de jeunes de faire un sport comme le foot, basket, le handball, il y a de fortes chances de reproduire des attitudes de stéréotypes de genres : les garçons sont dès le plus jeune âge encouragés à jouer au jeu de ballon, à courir au contraire des filles.
Il est essentiel de choisir des jeux et non des sports, car on mobilise d’autres compétences que les compétences physiques : observation, stratégie (...) Il est en fait important de varier le type d’activités.
Quels types d’activités mets-tu en place pour jouer ensemble et privilégier l’alliance dans les jeux ?
Bien souvent, pour permettre à tous les jeunes et tous les enfants de participer à l’activité physique, il est essentiel de choisir des jeux et non des sports, car on mobilise d’autres compétences que les compétences physiques : observation, stratégie… Cela rééquilibre les niveaux entre les personnes du groupe. Il est en fait important de varier le type d’activités.
Par exemple, l’équipe d’animation peut proposer le « ballon grenoblois ». Ce jeu reprend les règles de la balle aux prisonniers avec quelques variantes qui permettent la coopération et l’alliance au sein des équipes :
- Le nouveau prisonnier lance la balle pour libérer le prisonnier le plus ancien et non pour se libérer lui-même.
- Il n’est pas possible de bloquer la balle : lorsque la balle vient vers toi sans toucher le sol, tu ne peux pas l’attraper, tu es automatiquement prisonnier. De ce fait, tu n’as pas besoin de savoir réceptionner une balle.
Autres types d’activités : les jeux de cache. Ils mobilisent la compétence de l’observation, de la découverte de son environnement et il n’y a pas forcément l’affrontement de deux équipes. Dans ce cadre, les joueurs et joueuses s’associent ensemble pour accomplir l’objectif du jeu. Par exemple, le jeu Pi le Hibou. Un hibou compte à l’envers, à la fin du décompte, les enfants qui l’entourent se cachent le plus rapidement possible. Le hibou, sans bouger doit apercevoir les personnes cachées et crier le nom et la description de la cachette. Ici, peu importe si tu cours vite ou non, il faut faire preuve d’observation ou de discrétion.
Les jeux stratégiques sont également une alternative comme le jeu de la baguette. Ici, il y a deux équipes qui s’affrontent, il faut faire passer dans le camp adverse une baguette cachée dans la main d’un membre de l’équipe. Ici, tu peux courir ou non, tout dépend de l’organisation élaborée pour son équipe. Celle-ci discute en amont pour savoir qui cache la baguette dans sa main, comment traverser le terrain, etc.
Il est possible aussi de proposer des jeux qui peuvent être adaptés en fonction des capacités et envies du groupe : les personnes ont-elles envie de courir ? On peut adapter la taille du terrain, proposer des variantes... Et lier à la fois le stratégique et le physique.
Lors de la constitution des équipes pour un jeu collectif (foot, balle aux prisonniers, etc.), comment faire pour ne pas retomber dans les stéréotypes de genres, pour éviter que certains enfants se sentent exclus, composer des équipes équitables ?
Il faut faire attention au niveau de compétences dans chaque équipe et observer le public pour mieux percevoir le niveau de chacun et chacune. Au cours d’une partie, il ne faut pas hésiter à recomposer les équipes ou à changer de jeux après en avoir discuté avec l’ensemble du groupe : qu’ont observé les participant·es ? Quels sont leurs ressentis ?
Et si on ne connaît pas son groupe : proposer des jeux où l’alliance et la coopération sont de mises.
Là on est dans une vision filles/garçons, mais comment accueillir les enfants tels qu’ils sont, sans
les enfermer dans des stéréotypes de genres ?
L’adulte doit s’interroger en amont pour éviter les attitudes normées.
Nous pourrions éviter de faire jouer les garçons contre les filles mais cela ne fera pas évoluer la scission qui existe à partir d’un certain âge entre les garçons et les filles.
L’équipe d’animation doit faire en sorte de ne pas inciter des activités ou de tenir des propos qui enferme dans une seule case de genre. Car cela voudrait dire que les enfants et jeunes qui ne se retrouvent pas dans un genre sont automatiquement exclu·es de ces activités ? Il est nécessaire, et ce n’est pas toujours simple, de sortir des idées reçues sur les différences construites par la société entre les garçons et les filles. Un travail quotidien qui peut aider les personnes à ne pas s’enfermer dans des cases.
Les jeux traditionnels et sportifs, sont un des outils. Ils laissent la possibilité d’une mise en œuvre réfléchie pour que chacun et chacune puisse trouver sa place dans le jeu.
Charline Ramaugé , Ceméa Pays de la Loire