« On dit d’un fleuve emportant tout qu’il est violent, mais on ne dit jamais rien de la violence des rives qui l’enserrent. » Brecht
Ce 27 juin à Nanterre, Nahel, 17 ans, a été tué par un policier pour semble t-il un refus d’obtempérer. Quand bien même ce serait vrai, cette infraction ne mérite en aucun cas la mort. Et on se rappelle de fait la mort de Zyed Benna (17 ans) et Bouna Traoré (15 ans) en 2005 ; les deux policiers poursuivis étant relaxés en 2016. Cela nous rappelle également la mort d’Aboubacar Fofana il y a tout juste 5 ans, quartier du Breil à Nantes, dans les mêmes circonstances que celles qui ont conduit à la mort de Nahel. Il aura fallu attendre 2 ans pour que le policier impliqué soit auditionné. Le procès est attendu en 2024, 6 ans après la mort d’Aboubacar.
Et au-delà du traitement judiciaire de cette « affaire de Nahel », l’enjeu est plus global. Elle interroge la philosophie actuelle du maintien de l’ordre. Nous pouvons le mesurer sur le nombre « d’accidents » lors de contrôles dans les quartiers populaires, sur la répression massive dans les quartiers populaires ou pendant les mouvements sociaux. Nous connaissons une dérive sécuritaire qui nous inquiète et ne répond pas aux réels enjeux.
Une réponse sociale et éducative
Nous savons que la réponse de fond ne peut pas se trouver autour du traitement judiciaire et sécuritaire. Nous savons qu’elle est avant tout sociale et éducative.
Lors de l’incendie de la MJC (maisons des jeunes de la culture) de St Brieuc, la fédération régionale des MJC Bretagne – Pays de la Loire a répondu clairement : « Nous comprenons votre colère, mais nous désapprouvons la violence de son expression. Oui nous savons que lorsque les quartiers brûlent, ça brûle dans le cœur des jeunes. Oui les jeunes racisés de nos quartiers n’ont pas les mêmes chances, ne bénéficient pas de mêmes accès aux droits que les autres. Nous vivons sur ce quartier. Nous avons besoin d’échanger avec vous. Votre parole compte. Dites votre colère avec des mots, pas avec des allumettes. Notre porte est et sera toujours ouverte. Oui nous avons besoin de plus d’égalité, de repenser notre société. Alors reconstruisons-la ensemble ! » (Lire l’intégralité du communiqué ici : https://www.crajep-pdl.org/IMG/pdf/...)
Et quand Eric Dupond-Moretti, ministre de la justice, affirme pendant les émeutes que « ce n’est pas à l’État d’élever les enfants » ; nous nous mettons en porte à faux. L’éducation de l’enfant est bien le résultat d’une éducation globale : de la famille, de l’école, de l’éducation non formelle et de l’éducation populaire (accueil de loisirs, centre de vacances, associations culturelles, sportives…) La responsabilité est donc collective ! Et si certains parents, familles sont en difficulté, c’est bien d’une aide, d’un soutien que les familles ont besoin et pas d’un discours moralisateur et d’une politique répressive.
Par prévention, fermeture de certains espaces éducatifs et sociaux ?
Depuis le 28 juin plusieurs espaces éducatifs sont fermés en soirée par « mesure de prévention » : des centres socio-culturels, des fêtes d’écoles, des terrains d’aventures …. Dans certaines villes, des solutions temporaires permettant l’ouverture ont été pensés entre associations, collectivités, habitant.es (comme par exemple la mise à l’abri du stock de bois le soir sur les terrains d’aventures)
Il nous semble important de ne pas nous retirer des espaces sociaux et éducatifs. Nous devons maintenir les centres ouverts, maintenir nos activités hors les murs et créer des espaces d’échange, entre jeunes, moins jeunes.... Les terrains d’aventures, tout comme les temps d’animation de rue doivent se maintenir, voire se renforcer. Ces temps éducatifs permettent une appropriation de l’espace public, de créer de nouvelles formes de socialisation sans privatisation, sans discrimination et avec une place pour tous les publics.
La ville doit être un lieu d’hospitalité au travers de ses espaces extérieurs pour tous ceux et celles qui veulent la vivre. Il est donc essentiel de maintenir des rendez-vous dans l’espace public, des rendez-vous en libre accès, sans inscription et pour l’ensemble des personnes intéressées. Cela doit passer par la construction d’aménagements permettant la rencontre et la convivialité, l’organisation de manifestations culturelles et socio-culturelles. Et cela, surtout dans des périodes de tensions !
Et si dans ce contexte, la tentation de repli sur soi peut être grande, nous rappelons l’importance d’y résister, de faire collectif, et que la parole circule. Nous réaffirmons que l’éducation populaire doit s’attacher à promouvoir, partout et en tout temps des pratiques d’émancipation et de solidarité.
CEMEA Pays de la Loire – Le 07/07/2023